Ce n'est pas si compliqué que ça de trouver un sujet, il suffit d'écouter, de voir, puis de sentir ce qui reste en travers de la gorge (ou sur l'estomac ça dépend des tempéraments) pour ensuite ne se laisser guider que par la nécessité de dire. Eh oui, parce que si on ne dit pas il est alors presque certain que ce qui se trouve en travers de la gorge va se transformer en rage sourde dont le métro (pour moi parisienne) est le meilleur terreau (et y'a pas que pour moi!)
Alors cette fois ce qui ne passe pas c'est cette note lue, il y a quelques jours déjà, sur un blog.
Il s'agissait d'un billet sur Clémentine Autain, un billet méchant sur cette femme qui, en pleine préparation de campagne électorale, osait "tirer profit" de l'aveu d'un souvenir douloureux, en l'occurrence un viol. L'auteur du blog était suffisamment honnête cependant pour avouer (à son tour) en préambule de sa note qu'elle n'aimait pas la jeune femme et ce depuis longtemps, et ce car en général elle n'aime pas les "affolées du soutif."
Ces arguments seuls ont donc suffi pour descendre la jeune femme en flèche à l'occasion de cet aveu "honteux". L'argument était également soutenu par une cause, celle des femmes, dont elle fait partie, pour dire que décidément ces "hystériques" (du genre de Clémentine Autain) ne la servaient pas. La note était suivie par des dizaines de commentaires méchants de gens qui en profitaient pour déverser leur haine de l'enragée.
1- C'est sûr, c'est connu, quand on avoue un viol, on grimpe plus vite dans les sondages, bah oui, ça doit être lié à la compassion qu'on ressent tous alors et qu'on ne peut réprimer et qui nous pousse direct à mettre le bulletin dans l'urne histoire par cet amour manifesté de pouvoir réparer la blessure odieuse. La naïveté n'est pas de mon côté, elle est du vôtre.
(c'est drôle pourtant parce que dans mon roman y'a un passage décrivant une émission politique dans laquelle justement le jeu consiste à tirer profit d'aveux plutôt moins que plus vertueux, mais ça c'était de la fiction...)
2- Je commence à en avoir assez que les hommes comme les femmes préfèrent la répression à l'expression de leurs sentiments. Je ne vois pas en quoi "je ne serais plus bandante quand je suis excitée du soutif" comme vous dites, si c'est ça qui vous (nous) fait peur.
Cela me rappelle une lecture à laquelle j'ai assisté il y a quelques mois: trois femmes noires lisaient la pièce de Alain Foix, "Pas de prison pour le vent"
Cette pièce est superbement écrite par un homme, pour dire l'histoire de Gerty Archimède,Guadeloupéenne, première femme noire députée de France, avocate d'Angela Davis, leader charismatique des Black Panthers: "Inspiré d'une histoire réelle, c'est un huis-clos en l'attente d'une tempête tropicale entre trois femmes enfermées dans une villa créole sur les hauteurs de la Lézarde en Guadeloupe.
Elles sont toutes trois engagées dans un combat à la fois personnel et humaniste. Deux femmes communistes, l'une jeune, américaine, véritable Athéna, icône des années soixante dix : Angela Davis. L'autre à l'automne de sa vie et de sa carrière politique, figure emblématique de l'île : Gerty Archimède. La troisième porte son engagement vers d'autres cieux. Elle est religieuse et vit avec sa sœur, Gerty Archimède, dans cette maison battue par le vent."
Ces trois femmes vont confronter leurs points de vues tout au long de la pièce de manière passionnée, et les trois magnifiques femmes noires qui ont lu la pièce ce soir là ont su retranscrire parfaitement la passion qui anime les personnages. Et oui il y avait aussi beaucoup de colère car il y en a des raisons d'être en colère, toujours.
L'expression de leur colère était tellement juste que je me suis sentie libérée par, comment dire...une énergie directe? C'était tellement bon de voir ces femmes, belles, vivantes, exprimer leurs sentiments avec force. En tant que femme je n'ai pas eu peur, je n'ai pas pensé qu'elles devaient cacher des testicules sous leur jupe pour avoir autant de feu à sortir, et je crois bien que je n'ai pas été la seule à apprécier, et je crois bien que ça faisait du bien aux hommes aussi de voir de telles beautés, et y'en avait plus d'un qui n'avait pas peur.
A la fin de la représentation, un débat s'est organisé, il n'y avait alors plus que des hommes sur l'estrade, l'auteur s'en est un peu ému, mais on a tous passé, ce n'était pas bien important, finalement. Sauf qu'à un moment, un auteur connu (dont j'ai oublié le nom, oups) s'est tourné vers les actrices revenues dans la salle, pour les féliciter, avec un bémol cependant: "il n'y a pas besoin de s'exciter autant pour faire passer le message", comme si la femme ne devait apparaître que douce et raisonnée.
Vous imaginez vous une femme qui dirait un truc pareil à un Gabin quand il pique un coup de gueule? M'enfin, m'sieur Gabin, faut pas s'exciter comme ça, vous savez que vous desservez la cause des hommes là...Mais à ce moment là cet homme c'était plus fort que lui parce qu'il a eu peur que tout ça (cette hystérie?) cache un truc dangereux!
Et moi,tout à coup, je me suis sentie prisonnière sous ses seuls mots, les mots d'un autre âge, des mots d'oppresseur alors qu'on venait de sentir le vent, des mots qu'il osait ainsi, protégé par sa réputation d'auteur, de réfléchisseur, d'handicappé (il porte une canne et l'exhibe tranquillement lui sans qu'on lui demande de la cacher)
Ce soir là, ces femmes n'ont rien répondu et elles ont eu raison, elles avaient déjà fait la démonstration de leur justesse.
Je crois bien que je donnerais beaucoup pour que ces femmes puissent continuer longtemps à exprimer ainsi leurs tempéraments, avec ce qu'il a de doux mai aussi de tempétueux, d'humain donc.
Et je crois bien aussi que je m'élèverai toujours contre ceux qui veulent baîllonner la vie, dont acte.
3- Alors la Clémentine, je ne la connais pas bien, je sais juste qu'elle est communiste et que je ne le suis pas, mais j'aime bien quand je l'entends, je sens qu'elle a une belle énergie et que ça fait un bien fou de sentir le vent de la colère parfois, on respire enfin...
J'aime bien l'édito du dernier ELLE aussi,à propos de la victoire de Ségolène Royal; ça se finit sur ce paragraphe:
"Et tant mieux si cet appel d'air en suscite beaucoup d'autres. Tant mieux si Michèle Alliot Marie, qui balance, mine de rien, que "certains hommes politiques de droite devront modifier leur style face à Ségolène", est investie par son camp. Tant mieux si la gauche antilibérale choisit Clémentine Autain comme championne. N'en déplaise à ce journaliste déclarant élégamment sur France 2 que la vraie beauté de Clémentine la trentenaire allait donner un coup de vieux à la fausse fraîcheur de Ségolène la quinqua. Grossière erreur, cher Monsieur. Plus il y aura de femmes dans la course, plus le débat politique s'en trouvera transformé. Moins on votera pour elles "parce que ce sont des femmes." Mais parce que leurs idées nous séduisent. ni plus ni moins que celles des hommes."
Ah, et au cas où vous vous poseriez la question (puisque je me la pose moi même!) de savoir si je ne suis pas en train tourner féministe, eh bien je vous(moi aussi) invite à (re)lire le bouquin de Virginie Despentes (KING KONG THEORIE) qui à mon sens n'est qu'un magnifique manifeste pour une vie plus libre des hommes et des femmes, ensemble.
La prochaine fois, je vous parle de Mikio Naruse, ce réalisateur japonais des années 50, dont je viens de voir coup sur coup deux films (Nuages Flottants, et Le Repas) et dont je suis tombée en admiration...Pour introduire le Repas, il écrit en préambule: "j'aime à la folie, l'être humain;" Pas mal, non? Je ne suis cependant pas sûre qu'il aime beaucoup les hommes, lui...
On s'en reparle!
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