J'ai assisté la semaine dernière à l'Assemblée Générale du MEDEF -une première pour moi-, j'étais invitée par un de leur "communiquant" qui est un ami blogueur. Cette assemblée générale était aussi l'occasion de lancer le livre blanc de l'organisation, ouvrage collaboratif signé par Laurence Parisot: "Besoin d'air"
Je ne suis pas experte en économie, ne suis ni pour ni contre les patrons, ne connais pas bien l'histoire de cette organisation patronale, j'ai entendu parler de celui qui avait initié le changement en créant cette nouvelle appellation MEDEF (Ernest-Antoine Seliière a créé le Mouvement des Entreprises de France), ai tendu l'oreille en 2005 lorsque Laurence Parisot lui succédai au trône, ai pensé tiens c'est bien, une femme, puis comme j'ai pris l'habitude de me désintéresser des débats politiques, je n'ai pas cherché à mieux la connaître.
L'association est apolitique, pourtant les sujets abordés font tous partis du débat politique.
Le 25 janvier donc, le Palais Omnisport de Bercy était empli de costumes gris et noirs surmontés de cravates. Cette uniformité cependant ne m'a pas trop dépaysée par rapport à celle que j'observe dans mon quartier, le 20ème, à quelques détails près bien sûr. C'était gris, masculin, et pas très jeune dans la salle, mais étonnamment chaleureux. 6000 chefs d'entreprises étaient ainsi venus reprendre un peu de souffle auprès des leurs et de leur leader charismatique.
Ouverture de l'Assemblée générale par Jean-Paul Mauduy.
La video ne montre pas assez l'impressionnante carrure de cet homme. J'ai adoré son enthousiasme et sa sincèrité, j'ai juste regretté une forme d'"ignorance" (j'imagine cependant plus une volonté de positiver due au contexte) des problèmes rééls qui se posent aujourd'hui dans le monde de l'entreprise.
Tous les maux de nos concitoyens et tous ces livres, sujets sur la souffrance au travail ne sont quand même pas des inventions?
Les entreprises souffrent et ont besoin d'air, ce sera le thème de cette matinée, la raison officielle du rassemblement.
Le message passera au travers de discours positifs et stimulants pour construire "ensemble" (propositions concrètes à l'appui) et faire mentir les "déclinologues et démagogues" que Laurence Parisot abhorre, car elle le répétera aussi: "jamais le monde n'a été aussi riche qu'aujourd'hui."
Les entreprises qui bougent
Des entreprises qui donnent un nouveau visage au medef
Avoir fait entrer la préoccupation des chefs d'entreprise dans le débat public n'a pas dû être simple en son temps (Ernest-Antoine Sellière), aujourd'hui il s'agit d'aller encore plus loin en montrant le rôle vital des entreprises ("l'Entreprise c'est la vie") en France et la nécessaire écoute de leurs besoins qui en découle, et pourquoi pas, en allant toujours plus loin, d'appliquer leur fonctionnement à nos institutions publiques, d'où découlerait alors le bien être de tous. N'avons-nous pas tous besoin d'air?
Laurence Parisot aime l'économie, elle l'a déjà dit et elle veut faire aimer l'économie aux français, on aura donc droit à un cours magistral: intéressant mais impossible de juger sans étudier plus avant ses données et les comparer à d'autres.
Ce qui m'a paru extrêmement intéressant c'est la mission de dialogue économique qu'elle a confié à sa collaboratrice Véronique Morali (très impressionnante Véronique, dans sa détermination et générosité évidentes): il est question de "bouger les lignes ensemble", de créer des passerelles entre nous tous dans un esprit décloisonnant. Ils sont là dans l'expérimentation, évidemment l'idée me plaît.
Le dialogue se fait avec tous, les jeunes, les partenaires sociaux, les magistrats, les élus PS (alors qu'on les croit de droite, le sont-ils vraiment par choix profond?), les enseignants, les journalistes..
Toutes les valeurs exposées sont humanistes et ancrées dans l'action. La créativité est en marche!
Je dois vous dire que l'énergie et les idées étaient bel et bien présentes tout au long de cette matinée.
Dans cet esprit, j'ai aimé aussi le mélange des genres: l'hommage à l'abbé Pierre (il sera juste fait mention que le Medef met à la disposition de l'association le matériel technique pour le rassemblement en sa mémoire prévu le soir même à Bercy), les citations de Jaurès et Virgile, cette métaphore bien étudiée d'un monde qui se contracte et finit par étouffer sous la pression fiscale...
Ainsi en bougeant les lignes encore, peut on imaginer appliquer les fonctionnements de l'entreprise aux services publics, mais aussi inversement, en s'inspirant de nos contrats civils, appliquer aux entreprises l'ouverture, la souplesse qu'on a permis aux couples et donc à l'individu pour lui garantir sa liberté d'action et donc sa dignité.
C'est l'une de ses grandes idées et de celles qui m'ont interpellée:
L'idée de transférer la possibilité du divorce pour consentement mutuel au nouveau couple employé-employeur. Il s'agit là d'entériner un fait de société: on ne passe plus sa vie dans la même société, comme on ne passe plus sa vie marié à la même personne. Facilitons nous la vie, autorisons nous à nous quitter simplement en cas de désamour. Ok.
Mais alors, si l'on parle divorce on est obligé de parler du mariage et des étapes qui mènent à l'union et au désamour.
Repensons alors l'évidence:
Comment on se rencontre?
Comment on se séduit mutuellement?
Comment on vit ensemble?
Comment on se sépare?
Et le tout dans un rapport égalitaire pour permettre un dialogue véritable entre deux êtres humains.
Et on doit alors parler contrat, car plus on est libres, plus les cas particuliers de contrat se multiplient, non? Il serait peut être nécessaire d'y consigner les raisons du mariage et le but de l'association (faire des enfants, se soutenir l'un l'autre etc..)
Le rapport peut-il être égalitaire afin de garantir la bonne (juste) application du contrat?
Peut-on juger son patron comme l'employé l'est aujourd'hui à l'occasion de l'entretien de fin d'année?
Le dialogue entre le chef d'entrepris et l'employé existe-t-il réellement aujourd'hui pour garantir la bonne compréhension de cette démarche?
Tous ces contrats particuliers, est ce que ce ne serait pas encore plus contraignant finalement?
Et si on parlait d'amour, alors?
Parce que finalement j'ai bien l'impression que c'est de ça dont il s'agit: on n'aime plus son travail, son patron, l'entreprise, les emloyés, les contraintes imposées par son pays, la morosité ambiante, etc.
L'amour entre l'employé et l'employeur ne pourrait sans doute exister sans le respect préalable à toute entente, et donc sans dialogue.
Aujourd'hui les deux parties se retrouvent trop souvent obligées de se choisir par nécessité, et entrent alors dans la relation de codépendance qui fait souffrir.
Comment faire pour que l'employeur ne craigne plus la richesse (différence) de ses employés et trouve la force de les exploiter dans l'intérêt de tous, donc de l'entreprise? Comment faire pour que l'employé ne craigne plus les foudres de son patron dont il dépend pour son salaire et arrête de se couler dans le moule qui le déshumanise?
Comme en amour, il s'agit sûrement là de prendre des risques des deux côtés. S'ouvrir en dialoguant?
J'imagine des "Ladies Nights" adaptées au monde de l'entreprise...une sorte de "caméra café" façon réalité...je me dis toujours que les patrons apprendraient beaucoup en écoutant ce qui se dit sur leur management, les joies et frustrations de chacun, et les employés aimeraient certainement connaître davantage des enjeux auxquels doivent faire face les chefs d'entreprise.
"Ce que traduit notre désir de liberté (...) : c’est notre certitude que chacun saura faire bon usage de l’espace qui lui sera laissé, et trouver l’occasion d’y déployer son talent et sa créativité.
Ce que je lis dans la volonté répétée de plus de liberté, d’un peu plus d’air, pour nous, pour les entreprises, pour la France, c’est notre, c’est votre confiance en l’homme."
Voir le discours de cloture de Laurence Parisot.
Où je me situe?
Je me suis toujours sentie proche d'une idée plutôt libérale parce qu'il me semble avoir toujours fait confiance à l'homme. L'expérience évidemment m'a fait maintes fois réviser mon jugement, mais je ne saurais vivre autrement qu'en accordant cette confiance à priori.
J'ai créé "ma petite entreprise" à 25 ans et j'ai adoré cette expérience malgré ses difficultés.
J'ai travaillé dans un grand groupe, j'en suis sortie justement parce que j'étouffais.
J'ai écrit un roman inspiré par l'expérience que j'avais vécue dans cette entreprise: il y était beaucoup question de jeux de pouvoir et de relations perverses, oui ça existe souvent aussi...
J'y retournerais bien maintenant, plus armée face à la réalité des rapports humains, et plus volontaire: il faut vouloir changer le monde ou tout du moins marquer sa différence pour se sentir vivre, en entreprise, et partout ailleurs...
Et si vous nous racontiez comment ça se passe pour vous dans l'entreprise?
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